Coup d'fourchette


L'été n'a pas dit
son dernier mot
Il les réchauffe
elle et ses fines épaules
caramélisées
alors un type arrive
bave aux lèvres
et regard bien aiguisé
se met
les pieds sous la table
et commence à
la bouffer des yeux

Envole-toi


Demain est
un vieux chien malade
au chevet d'aujourd'hui
à qui on essaie
de faire pousser
des ailes

L'air de rien


La virtuosité des feuilles
qui s'en vont
s'écraser sur le bitume
en tordant du cul

Assaisonnement


Tiens
passe-moi donc
un nuage noir
que j'assaisonne
ce ciel
un peu fade

Poésie du futur


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Dans les ronces


Je te compare simplement
aux ronces
qui font à l'occasion
quelques mûres
pour repeindre nos bouches
et se faire pardonner
de nous piquer les doigts

Des cibles pour les chiens de là-haut

© photo : Pierryl Peytavi

Ciel noir
première goutte
urine de nuage
sur nos têtes
nos corps figés soudain
devenus lampadaires

L'appétit d'un souvenir


Elle donnerait
n'importe quoi
à ce souvenir
pour qu'il foute le camp
et il veut juste
lui bouffer
un peu de cervelle
mais ça non
oh non
sûrement pas

La petite histoire des deux mouches amoureuses


Voici la petite histoire
un peu triste
de deux mouches à merde amoureuses
d'un rideau
et d'une main poilue
tenant un magazine 
plié en deux

Le ventre rond du silence


Ces petits silences
aux ventres pleins
de petits vacarmes
qui gonflent
qui gonflent
jusqu'à éclater

La pizza au chorizo du crépuscule


Il est entre
très tard et très tôt
j'ai faim de lumière
la moindre étincelle éveille
mon appétit d'ogre crépusculaire
Les premières lueurs
sont une pizza au chorizo géante
qui s'enfuit
vers l'horizon

Peut-être

© photo : Joshua Dalsimer

S'il n'y avait pas eu ce pont, peut-être ne se seraient-ils pas rencontrés.
S'ils n'avaient pas eu d'yeux, peut-être ne se seraient-ils pas vus.
S'ils n'avaient pas eu de lèvres, peut-être ne se seraient-ils pas embrassés
S'ils n'avaient pas eu de mains, peut-être ne se seraient-ils pas emmêlé les doigts pour se donner du courage.
S'ils n'avaient pas eu de cœurs, peut-être n'auraient-ils pas sauté.

Celle qui remporte toujours la partie


La nuit est
un soleil à terre
qui voit des étoiles

Conjugaison des petites existences


Je me décompose
tu te reconstruis
il se regonfle
nous nous bricolons

Pauses buissonnières


Sur ce long chemin
qui nous mène tous
au même endroit
prendre le temps de cueillir
quelques minutes sauvages

T'as du feu ?

 
On ne réchauffe pas
une fille qui a vraiment très froid
seulement avec
quelques brindilles d'amour
on ne réchauffe pas
une fille qui a vraiment très froid
sans étincelles
au fond des yeux

Abat-jour


Une nouvelle inédite, "L'homme-cholestérol"
à lire aujourd'hui sur le site des Éditions de l'Abat-jour.
Ça se passe ICI !

Le filet sucré


L'orage a éclaté
des gouttes se sont posées
sur leurs épaules
Il a semblé inquiet
Elle lui a demandé
pourquoi il faisait cette tête
de type qu'on s'apprête
à endormir pour toujours
Elle lui a dit
que ce n'était pas grave
qu'ils n'étaient pas en sucre
Il a répondu
parle pour toi
juste avant de se liquéfier
et de rejoindre
d'un filet gracieux
le caniveau

Coutumiers du nouvel essai


Faire
de nos échecs
et de nos recommencements
des rituels chamaniques

Un truc qui cloche (poème à base d'actualité)


Des chiens
pour détecter
le cancer du poumon
Merguez aux hameçons
pour tuer
trois chiens

Conquérir sa peau


Un minuscule néant
au fond de ses yeux
a déjà fait se perdre
plusieurs hommes
à la conquête
de son espace
épidermique

Encore raté...


Presque
en
trois
mots

Balade intra-utérine


Il y a le chemin
en forme de rien
le petit pont
qu'il faut traverser
en se cramponnant
aux branches
il y a le fil d'herbe
moustache verte
le long du ruisseau
les battements d'ailes
des martins-pêcheurs
leur évaporation soudaine
au bruit des pas grossiers
Il y a enfin cette clairière
tout au bout
comme un placenta
encore chaud
qui autrefois nourrissait
nos jeux d'enfants

Même les plantes grasses


Ne t'en fais pas
ces choses-là arrivent
même aux plus robustes
Tu sais
les plantes grasses
peuvent s'épanouir
sans une goutte d'eau
mais ça ne les empêche pas
de voir mourir leurs fleurs

La modestie des collines


C'est toujours moyennement impressionnant, une colline. Une colline ne surplombe qu'à moitié, ne s'élève qu'à moitié, n'impressionne qu'à moitié. Une colline quand elle s'enneige ne le fait qu'à moitié. Une colline ne s'arpente qu'à moitié, ne se contemple qu'à moitié. L'homme est une colline qui rêve de devenir une montagne.

Au coeur de l'orage


Dehors
me lèche les yeux
me chatouille les pieds
me serre fort
contre son orage
je calque mon pouls
sur le sien

En rappel le long de la nuit


La corde effilée
de nos cauchemars
les rêves
comme des grappins
lancés
vers le matin

Botte de foin


C'était un après-midi d'été
le temps passait
plus vite que le plomb
dans la chair d'un lièvre
Ils avaient mélangé
leurs yeux
leurs lèvres
leurs bras
puis étaient devenus
deux aiguilles
dans une botte de foin

Comme on digère la solitude


L'appartement est vide
l'appartement est une bouche
l'appartement a très faim
et j'attends que les escaliers
qui mènent
au bas de l'immeuble
me digèrent

Un nouveau train de vie


Ses jambes ne le portent plus. Il fut un temps où elles allaient jusqu'à porter plusieurs enfants à la fois, mais même son seul corps est devenu trop lourd. Il se sert de quelques ossatures de rêves comme des béquilles, mais malgré toute sa bonne volonté il ne va pas bien loin. Ses jambes ne font en quelque sorte plus partie du voyage. Maintenant il voyage seul, avec ses yeux ou avec son nez. Avec ses oreilles parfois, et avec ses mains. Il n'est pas rare de le voir sauter sur l'odeur d'une carotte sauvage pour plonger dans un ruisseau ou faire de la spéléologie en posant son regard sur le dos d'une fourmi. Il s'envole parfois, simplement en refermant de toutes ses forces sa mâchoire sur un courant d'air. Depuis que ses jambes ne le portent plus, il reste ici sur sa chaise à attendre les correspondances la fleur au bec.

Fuir le long de nos rêves


Le jour nous déguise
en gibiers
nous mangeons
des sourires
et lapons
les étincelles
au fond de nos yeux
la nuit nous envoie
ses chasseurs

Le banquet du temps qui passe


Dans ce festin
d'heures froides
bailler
pour grignoter
un peu
de temps qui passe

Tea party day


Ciel bouillant
chaleur liquide
nuages fumants
la sueur fait des bulles
sur mes pommettes
cette journée me transforme
petit à petit
en sachet de thé

Retour à Carpe diem


Vivre le moment présent
comme un souvenir
fraîchement débarqué
du futur

Bzz bzz splash


Un moustique
fait de la mobylette
autour de moi
Du magazine
qui me tient lieu
de somnifère
je fais un mur

Génération post-it


Nos aveux tiennent
sur pas grand chose
nos idées collent
nos messages forment
le petit peuple des frigos

La petite fille au super pouvoir


Elle est pourtant
si petite
si malhabile
tombe souvent
marche mal
haute comme trois pommes
à peine visible
sous ses boucles brunes
mais elle parvient déjà
à faire fondre
des glaces
avec ses yeux

Le pigeon


Un vieux pigeon
tous les matins
sur le balcon
à son poste
à mon poste
et la rambarde devient
notre poste à tous les deux
un poste à se disputer
dans le liquide clair
que le ciel
verse chaque jour
sur nos rétines
revenues de la nuit

Où on se dispute l'horizon


Là où le ciel rougit
le haut des montagnes
se déchire

Pas de pointillés
ici
pas de ciseaux

Juste quelques becs d'oiseaux
et des herbes en pagaille
tirant chacun de leur côté

Je regarde l'horizon
naître de cette dispute

Boutique de souvenirs


Elle est belle
mais son cœur
ressemble à
une boutique de souvenirs

Pas de bonnes manières entre nous


La lumière mâche
quelques oiseaux
en brochette
sur les fils électriques
se met sous la dent
un ou deux nuages
à la traîne
lèche ici ou là
une façade d'immeuble
une vitre saupoudrée
de buée d'enfant
Et cela ne me dérange pas
le moins du monde
qu'elle me parle
la bouche pleine

Sur la route de notre perte


Tous les chemins
mènent à notre perte
mais le plus agréable
est bordé de tes rires
propice aux crevaisons
et long
de plusieurs vies

Là où on ne l'attend pas


Toute révolution arrive
à dos de courant d'air
rampant en silence
entre les pétales
des fleurs

Bave d'escargot


On reconnaît
les grands moments
à ce qu'ils laissent
de bave d'escargot
sur les planches
du souvenir

Un sale quart d'heure


Il ne parvient pas
à regarder cette fille
plus de 5 secondes
dans les yeux
Et les yeux de la fille cillent
puis font tomber les siens
plusieurs fois
Alors il retente sa chance
et les yeux de la fille deviennent
deux chevaux sauvages
qui promettent
un fameux rodéo

Bing bang boum !

© photo : Stanley Kubrick

Un mal pour un bien, pour coller à la douleur, aujourd'hui chez FPDV

Publication - La nuit se bat sans nous - août 2011 - Éditions Le Coudrier


"La nuit se bat sans nous", Éditions Le Coudrier, 90 pages - 14 euros

Mon nouveau recueil vient de paraître
aux éditions belges "Le Coudrier".
Il est parsemé de quelques chouettes clichés de Samuel Picas

Préface : 
C’est l’histoire d’un avion dont le sillage s’écrit
tout droit dans le ciel léger, si léger. Rien ici ne doit
peser. La nuit, dirait-on, prend sur elle l’obscurité
des corps, nous laisse flotter en roue libre à charge
des songes. Le matin ouvre les rideaux sur les yeux
avec les cils pour regarder venir l’amour tendre, si
tendre. Le jour se construit à mesure que nous nous
y réinstallons. Suivez le fil de l’image comme la
pelote d’un nuage. L’avion ne dure que le sillage
d’une cigarette sur la page blanche d’un matin
premier, si premier qu’il hésite « entre le métier de
boucher et celui de fleuriste », quelque matin
incertain où le fil de notre vie semble s’alléger,
aussi libre que le fil que laisse en suspens l’oiseau
derrière lui, que le sourire dont il fend l’air. Si
volatile, le fil des mots au bouquet du poème.
C’est l’histoire d’un cycliste sur le tour de piste de
l’horizon qui jette des miettes de nuage aux oiseaux
de passage.

Jean-Michel Aubevert


Extrait : 

"La nuit est un
énorme chat noir
qui fait ses griffes
dans les champs
et perd ses poils
dans les nappes phréatiques
La nuit est un
énorme chat noir
qui sourit des étoiles
et meurt tous les matins"

Pour le commander, les coordonnées des éditions sont ICI
Ou bien vous pouvez si vous le souhaitez m'envoyer un mail et voir ça directement avec moi...

Un remède à la routine


Faire de sa routine
un rêve
récurrent

Aux extrémités de la ville


La ville est
presque calme
presque bruyante
comme le verre
à moitié plein
et celui
à moitié vide
la ville est
le cul entre deux chaises
sur lesquelles
toi et moi
sommes assis

Au rythme de l'air


Régler nos pas
sur ceux de l'air
qui trottine
sans halte
dans nos poumons
jours et nuits
jusqu'à
la ligne d'arrivée